2007-05-24

Plus fort!

Génial. Déroutant. Débile. Étrange. Iconoclaste. Inspiré. Rebutant.

Choisissez votre qualificatif. La musique contemporaine n'est pas facile à assimiler. Certains diront que c'est hermétique. D'autres diront que c'est carrément de la fumisterie.

Rares sont ceux qui prennent le temps de vraiment s'intéresser aux grandes oeuvres de la musique classique. Ça demande un effort et un état d'esprit qui sont difficiles à atteindre dans nos sociétés déjà très préoccupées par le temps. Malgré cela, la plupart des gens s'entendent pour dire que les Bach, Mozart, Handel et autres ont créé des oeuvres grandioses.

Pour ce qui est de la musique contemporaine, bien, je doute qu'on retrouve une aussi belle unanimité. D'abord, les artistes et leurs oeuvres sont moins bien connus du grand public. Ce n'est pas tout à fait le genre de trucs qu'on va diffuser à la radio, même sur les quelques rares stations qui diffusent de la musique dite classique. Philip Glass, Arvö Part, Steve Reich, John Cage ne sont pas non plus des noms que monsieur et madame tout-le-monde entendent très souvent.

Il est facile de rejeter un courant artistique qui n'a pas passé avec succès l'épreuve du temps. Facile d'être fermé à une démarche qui, conformément à l'une des nombreuses définitions de l'art, dérange, provoque et pousse le spectateur hors de sa zone de confort.

Je suis tombé sur ce clip d'un concert dédié au compositeur américain John Cage. On y présente l'une de ses oeuvres les plus connues (enfin, pour ceux qui connaissent ses oeuvres), la pièce en trois mouvements 4'33". Oui, on parle bien de 4 minutes et 33 secondes, ce qui représente en fait la durée de la pièce.

Original, direz-vous, de donner un titre pareil à une pièce musicale, mais so what?

Il n'y a pas que ça. Pas une seule note n'est jouée pendant la pièce. Ce que Cage a "composé", c'est ce qu'il définissait comme l'impossibilité du silence dans le monde qui nous entoure. La présence immuable des sons ambients, dans une salle de concert par exemple.

J'avoue que cet audace, cette façon perverse d'interpréter musicalement la réalité me fascine. Je pense que le génie de sa démarche va bien au-delà d'une pièce de 4 minutes et 33 secondes pendant lesquelles aucune note n'est jouée. Ça va jusque dans la performance elle-même.

Dans la participation du public, qui a payé pour écouter une pièce musicale sans notes.

Dans la participation d'un orchestre symphonique, dont les musiciens s'exécutent sans utiliser leurs instruments, tout en tournant les pages de leurs feuillets au gré des mesures.

Dans la présence du chef d'orchestre, qui domine magistralement sa formation, la baguette immobile, tout en suivant le déroulement sur un réveil.

Dans le fait que les spectateurs se retiennent de tousser jusqu'aux pauses entre les 3 mouvements.

Dans l'ovation enthousiaste accordée au chef et à ses musiciens à la toute fin de la pièce.

Je vous encourage à regarder le clip au complet. Moi-même, après avoir visionné le tout, j'ai eu une folle envie de préparer ma propre interprétation de 4'33" dans mon salon mais j'ai bien peur qu'il me serait impossible d'arriver à reproduire des conditions d'acoustique aussi extraordinaires.

1 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Quelle performance! Je m'en suis
fait une copie pour le réveil, et
tous les matins à 4h33m c'est un
lever aux sons assourdissants d'une
cacophonie muettement silencieuse!
Fini le cauchemar du réveil-pipi
à 3h...

Oncle Denis

10:19 p.m.  

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