2007-01-26

Dieu, Darwin et le primate

Gros sprint de lecture ces derniers jours. Je me suis penché sur des bouquins qui traitent de la question de l'existence de Dieu et de Sa place dans notre compréhension de l'univers, à travers la science.

Pas un sujet léger, même en 2007. En fait, le sujet me semble plus que jamais d'actualité si l'on en juge par les débats sur les accommodements raisonnables (ici au Québec) et la laïcité de l'état, ainsi que la montée des intégrismes chrétien, islamique et judaïque.

D'emblée, il faut dire que les auteurs des trois bouquins sont des scientifiques qui ne croient pas en l'existence de Dieu.

Richard Dawkins est certainement le plus radical des trois. Il fonde son argumentation sur l'état de nos connaissances scientifiques, lesquelles ne permettent pas d'établir l'existence de Dieu. La science ne pouvant pas non plus la réfuter, Dawkins estime qu'il est logique de s'en tenir à une évaluation scientifique de la probabilité de celle-ci. Aucun doute dans son esprit, la probabilité de l'existence de Dieu est faible (selon des critères d'évaluation scientifique).

Dawkins traite des incohérences entre l'Ancien et le Nouveau Testament et des similitudes entre les textes sacrés chrétiens et certains mythes qui précèdent la rédaction de la Bible et des Évangiles. Il consacre également une partie importante de son ouvrage à réfuter les prétentions des partisans de l'hypothèse du dessein intelligent. Cette hypothèse, basée sur le créationnisme (on pourrait dire que c'est du créationnisme maquillé avec de la pseudo-science), prétend que la théorie de l'évolution est fausse et que les espèces actuelles ont été créées telles quelles par Dieu il y a 6000 ans. Donc, selon ces gens, aucune espèce n'est le fruit de l'évolution d'une espèce antérieure et l'homme n'est certainement pas un animal puisqu'il a été créé de façon singulière et intégrale à l'image de Dieu. Cette hypothèse ne propose aucune preuve de ce qu'elle avance, tout repose sur la foi et la croyance. De plus, les créationnistes refusent d'accepter la théorie de l'évolution malgré l'abondance de la preuve scientifique. Ils se concentrent surtout sur ce que l'évolution n'est pas encore en mesure d'expliquer de façon complète. Aucune théorie scientifique n'est étanche à 100% mais dans le cas de l'évolution, c'est l'une des plus solides sur laquelle la communauté scientifique continue à travailler et elle est constamment validée par de nouvelles découvertes.

Il y a d'ailleurs un important débat qui fait rage depuis une dizaine d'années aux États-Unis (depuis plus longtemps en fait mais le débat a resurgi avec la montée de la droite conservatrice et chrétienne), entre les tenants de l'évolution et ceux de la création. Les partisans du dessein intelligent (ou du créationnisme) travaillent activement à faire ajouter l'enseignement de leur hypothèse aux curriculum des cours de science dans les écoles. Les partisans de l'évolution (principalement les scientifiques et les gens de la gauche libérale) rétorquent, à juste titre, que la notion de dessein intelligent n'a pas sa place dans un cours de science puisqu'on a affaire à une croyance et non pas à une théorie répondant aux critères de la méthode scientifique. Toujours selon eux, l'enseignement du dessein intelligent est une entorse à la constitution américaine puisqu'elle viole le principe de séparation de l'église et de l'état. Un jugement important, dans une cause présidée par un juge réputé conservateur de surcroit, a même été rendu en Pennsylvanie en 2005, jugement qui détruisait les arguments des créationnistes et donnait raison aux évolutionnistes.

Les arguments favorables au dessein intelligent sont passés au peigne fin par Michael Shermer dans son livre Why Darwin matters. Shermer est lui-même un ancien croyant, chrétien évangélique, et un ancien adepte du créationnisme, devenu depuis un athée (qu'on pourrait qualifier de modéré) et un sceptique. Il a fondé le magazine Skeptic et est directeur exécutif de la Skeptics Society, en plus d'être conférencier.

Dans son livre, Shermer réfute les arguments créationnistes par des arguments scientifiques et explique ce qu'est la théorie de l'évolution. Il explique également pourquoi cette dernière est attaquée et contestée et pourquoi la croyance populaire (chez nos voisins du sud à tout le moins) veut que puisqu'elle est une théorie, pourquoi ne pas l'évaluer côte à côte avec le dessein intelligent, qui est aussi une théorie et à ce titre, est toute aussi valable que l'évolution. Cela tient en grande partie à l'incompréhension du grand public sur ce que signifie la notion de théorie en science. Une théorie scientifique est un modèle ou un cadre utilisé pour expliquer des phénomènes naturels. Ce modèle doit être supporté par des preuves issues d'expérimentations contrôlées et doit être démontrable de façon répétée. On peut alors dire qu'une théorie est une explication satisfaisante pour un phénomène naturel. Ce qui n'est pas tout à fait la même chose qu'une hypothèse, formulée à partir d'observations empiriques qui ont mené à une intuition sur le pourquoi d'un phénomène naturel. C'est là toute la différence entre ce qu'on pense être la cause d'un effet et la démonstration de cette cause. Les créationnistes ne présentent aucune démonstration scientifique de leurs hypothèses. Ils se contentent de répondre aux incertitudes de l'évolution par la déduction suivante: puisque l'évolution n'explique pas ceci ou cela, c'est la preuve qu'il y a un créateur derrière tout ça. Ce raisonnement est en fait l'antithèse de la science. Lorsque nous ne sommes pas en mesure de comprendre quelque chose, on l'explique par une cause surnaturelle. Plus besoin de chercher, c'est au-dessus de nous. Si les humains avaient appliqué ce raisonnement de façon systématique, nous en serions encore à frotter des cailloux pour allumer des feux. Nous l'avons dit, aucune théorie, même très solide, n'est en mesure de tout expliquer à 100%. Mais la science continue de fouiller, de confirmer ou d'invalider, c'est ce qui en fait sa force. Pour Shermer, l'objectif n'est pas de s'en prendre à la foi des gens, qui est tout à fait légitime au demeurant, mais bien de s'assurer de ne pas mêler les choux et les carottes en présentant des croyances religieuses comme de la science.

Le troisième et dernier livre reprend la plupart des arguments principaux des deux premiers. Comme son nom l'indique, il est écrit sous forme de lettre adressée à ses compatriotes (Sam Harris est américain) qui professent la foi chrétienne (la très grande majorité, on s'en doute). Dans l'introduction, Harris explique qu'il a décidé d'écrire ce livre suite aux nombreuses lettres teintées de haine et de violence qu'il a reçues de la part de chrétiens américains. Ces lettres faisaient suite à la parution d'un livre qu'il avait précédemment écrit et dans lequel il avait abordé la question de l'athéisme dans un monde pris en otage par le fanatisme religieux. Le livre est court mais percutant.




Des bouquins passionnants et stimulants, comme je les aime.

3 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Bonjour cher primate.

Passionnant en effet cette question
de l'existence de dieu. (Notez le d minuscule, si il est parfait, il ne doit pas être susceptible...)

Pour le petit primate que je suis, élevé dans la religion catholique, me défaire de toutes ces croyances
n'a pas été facile.

Débarassé enfin de toutes ces chimères, la réalité qui m'entoure
est beaucoup plus facile à analyser. Bref, si dieu a vraiment créé cette planète où chaque forme de vie doit en manger une autre, jour après jour,pour survivre, c'est pas très fort son affaire...

5:33 p.m.  
Blogger L'Anthropologue said...

Bonjour Primate,

Comme vous me l'avez suggéré, je suis venu lire votre billet (très intérressant d'ailleurs, sur les trois livres que vous avez lu récemment sur le sujet. La seule chose qu'il me manque pour faire un diagnostique complet et donner mon opinion est ce que VOUS vous pensez de ces deux théories.

Pour ce qui est de ces livres...je suis entièrement d'accord avec eux sur la foi chrétienne ou autre religion. Je ne pense pas croire en Dieu et il ne fait pas parti de mes échapatoires (dans le sens que quand ça va mal, je ne prend pas cette foi pour me libérer de ma "douleur"). Je crois que Dieu est (en partie pour un ou complètement pour l'autre) justement ça: un concept échapatoire qui permet aux hommes de se libérer des fautes, de oisiveté intellectuelle et de leur douleur. Il faut un book émissaire avec qui on a une relation amour/haine.

9:48 p.m.  
Anonymous Anonyme said...

salut les amis.
je me permet de vous adresser ce petit mot car je suis tombé par hazard sur le site, de fait j'ai commencé à lire vos commentaires sur la religion. je ne partage pas votre avis mais je l'entend et le tolère car c'est ce que la religion veut. Sachez que c'est l'homme qui a fais de la religion ce qu'elle est actuellement c'est à dire une source de conflis.la religion permet de savoir d'ou on vient et ou on va. De plus,c'est une justice pour ceux qui y croit car nous savons très bien qu'ici bas ya pas de justice.Pour finir,c'est une lumière pour les ténèbres qui nous entoure. Cette lumière tous le monde la verra briller un jours ou l'autre mais pour l'instant ça depasse encore beaucoup de gens (les primates... lol )c'est la dimension spirituelle sachez que tout est écrit. déconnectez vous de la matrix de babylone peace à vous.

2:17 p.m.  

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